L’Hypericum perforatum ou millepertuis est une plante vivace et commune des régions tempérées. Elle est employée depuis l’antiquité pour traiter les « mélancolies ». Aujourd’hui, elle est utilisée en psychiatrie dans le traitement des dépressions légères, modérées ou saisonnières (débutant en hiver et disparaissant au printemps) ou les « crises d’adolescence » avec tendance dépressive. « Le millepertuis donne de bons résultats dans ce type d’indications, explique le Dr Hervé Babin, psychiatre à Marseille. En revanche, je n’ai pas noté de réelle efficacité dans les vraies dépressions avec symptômes de pleurs, de tristesse et de fatigue inexpliquées ou d’angoisse.» Toutefois, dans ces dépressions avérées, l’extrait de millepertuis trouve sa place en complément d’un traitement allopathique. « Il permet de raccourcir environ de moitié la durée d’une cure d’antidépresseur classique et de “décrocher“ plus facilement », note le Dr Babin.

« Son action est probablement due à deux de ses composants : l’hypericine et l’hyperforine. De récentes études semblent montrer que, pour être efficace, un médicament à base de millepertuis devrait d’ailleurs contenir au moins 5% d’hyperforine », souligne le Dr André Galinowski, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris et spécialiste du millepertuis. « Les chercheurs ne sont pas encore parvenus à isoler cette substance pour l’étudier complètement, on pense toutefois que l’hyperforine comme l’hypericine, agit au niveau du cerveau, de la même façon que les antidépresseurs de synthèse ». Même si les mécanismes d’action sont encore mal connus, de nombreuses études randomisées (avec patients tirés au sort) menées en double aveugle contre placebo et contre un antidépresseur classique prouvent une efficacité du millepertuis nettement supérieure au placebo et égale à certains médicaments.

Le millepertuis est encore peu prescrit en France par le corps médical. Pour quels motifs ? « Traditionnellement les médecins français ont peu recours aux plantes, indique le Dr Galinowski. Par ailleurs, ils attendent une étude conforme à la règle des 100 patients suivis pendant un an avant de se prononcer sur l’efficacité d’un produit. Des études de ce type sont actuellement en cours sur le sujet mais les précédentes ne répondaient pas à ces critères. Enfin, le millepertuis ne peut pas traiter les dépressions profondes. »

En Allemagne où il détrône certains antidépresseurs comme la fluoxétine (Prozac®), le millepertuis « est commercialisé sous forme d’un médicament constitué d’extraits de plante et prescrit à raison d’environ 900 mg par jour en trois prises », précise le Dr André Galinowski. « En France, hypericum n’est pas considéré comme un médicament. Il ne bénéficie pas d’une AMM (autorisation de mise sur le marché) qui réglementerait son usage et garantirait un dosage précis en principes actifs pour une présentation donnée. Il est vendu sous différentes formes (gélules, tisane, teinture mère...) dont les doses de principes actifs sont difficiles à évaluer. »
Les psychiatres français qui le prescrivent utilisent généralement la Teinture mère (TM) préparée par le pharmacien en laissant macérer la plante dans de l’alcool à 70°. « Le traitement proposé est en général d’environ 200 gouttes de TM par jour, qu’il s’agisse d’un traitement curatif ou de la prise de relais d’un antidépresseur » indique le Dr Babin.

« Le millepertuis ne présente pas de risque d’accoutumance et le traitement peut être arrêté du jour au lendemain », indique le Dr André Galinowski. Certains effets secondaires peuvent survenir (photosensibilisation, nausées, somnolence,..). Sur conseil d’un médecin, il peut être employé chez les tout-petits, pour traiter les troubles du sommeil et l’irritabilité. « En revanche, il est capital d’adapter la dose à l’âge de l’enfant en la faisant descendre entre 30 et 50 gouttes de TM par jour, explique Hervé Babin. Pour les nourrissons, les doses sont encore réduites et l’extrait qui ne contient pas d’alcool est préférable à la Teinture mère. »

Le millepertuis est en vente libre. Il ne doit pas pour autant être pris en automédication. « La dépression est une maladie grave. Seul un médecin peut évaluer son importance et prescrire un traitement adapté », insiste le Dr Galinowski. Il est vrai que, sous-estimée, une dépression peut conduire au suicide.